Asynchrone

dimanche, octobre 15, 2006

Nouvelle idole

Ca recommence. Régulièrement, les "grandes surfaces" montent au front législatif et médiatique dans le but d'occire définitivement le "repos du dimanche".
Les maîtres mots de leur argumentaire n'ont jamais changé : liberté et croissance. Mais liberté et croissance de quoi, pour qui ?

Liberté de l'Homo economicus, de l'homme réduit à ses seules fonctions de consommation et de production, font même le "temps libre" devrait être rentable d'une manière ou d'une autre pour le monstre social - celui qui Simone WEIL appelait "le Gros Animal" ?
Et croissance des seuls échanges monnayés, ceux qui se réalisent sur le mode de la gratuité n'ayant plus aucune valuer reconnue, alors qu'ils font pourtant tout le sel d'une vie humaine ?

Quelques syndicats, quelques hommes d'Eglise : peu de contestations face à cette nouvelle "adaptation" au marché mondial qu'on nous présente comme une inéluctable modernisation.
Mais a-t-on songé qu'en supprimant le "Jour du Seigneur", on ne s'émancipe pas, on ne fait que de changer de Seigneur ? Notre société française, si fière de la laïcité, est bien embarrassée pour contrer les les tenants du tout-économique : peut-on décemment s'accrocher à une tradition héritée de feue la chrétienté, alors même que les chrétiens désertent leurs assemblées dominicales ? Le citoyen hésite à se mobiliser, il s'imagine piégé entre, d'un côté, le spectre de "l'Infâme" contre lequel se sont battus héroïquement ses pères républicains, et de l'autre, le "Gros Animal". Le citoyen ne voit pas que le premier ennemi a été vaincyu depuis belle lurette, mais qu son cadavre n'a fait que renforcer le second ennemi, autrement plus redoutable...

Le citoyen n'a plus de mémoire, c'est là tout son malheur. S'il se souvenait des ses mythes fondateurs - ceux qui sous-tendent sa psychologie profonde, quelle soit sa croyance ou sa non-croyance -, il saurait que derrière le repos du dimanche subsiste l'une des plus grande trouvailles du mononthéisme, peut être la plus grande : le sabbat.
Que l'homme ne soit plus, un jour sur sept, redevable d'une quelconque utilité sociale, qu'il soit invité à s'extirper une fois par semaine de l'histoire humaine, trop humaine, pour se consacrer à cultiver sa liberté intérieure, qu'il soit enfin autre chose qu'un animal politique, social et économique, voilà la grande révolution dont nous sommes les héritiers.
Par commodité apparente, allons-nous jeter aux oubliettes cette invention anthropologique majeure, sous prétexte qu'elle s'est jadis habillée d'un sacré devenu obsolète ?

Nous sacraliserions du même coup une autre tyrannie : celle de l'idole nommée Marché.


Jean MOUTTAPA , Le Monde des Religions, septembre-octobre 2006, P.17

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