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samedi, janvier 13, 2007

Un nouvel âge de pierre ?

Emoi dans l'immobilier après une nouvelle étude qui pronostique un retournement du marché avec une baisse de 25 % d'ici à 2010

Par Tonino SERAFINI
Libération.fr : samedi 13 janvier 2007

Les prix de l'immobilier devraient selon notre scénario sensiblement refluer à partir de 2007, de l'ordre de 25 % à l'horizon 2010.»
Et crac ! En une phrase, une étude de l'institut Precepta, filiale de Xerfi, un groupe spécialisé dans les analyses de stratégie concurrentielle, vient rompre l'optimisme affiché par les professionnels de l'immobilier. Pas plus tard que mardi, lors de la publication de ses statistiques annuelles, la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier) faisait état d'une hausse de l'immobilier de 7,1 % en 2006 et écartait tout «scénario de retournement brutal» pour 2007. «Le dynamisme du marché ne sera pas rompu», commentait René Pallincourt, le président de la Fnaim, ajoutant qu'une nouvelle augmentation des prix de la pierre «de l'ordre de 3,5 % à 5 %» était envisagée par son organisation cette année.




Effréné. Il admettait néanmoins que les hausses incessantes intervenues depuis l'an 2000 pouvaient être «considérées comme préoccupantes» puisque les prix des logements ont été multipliés par deux dans les grandes villes pendant cette période. Ce rythme d'augmentation effréné interroge sur la capacité budgétaire des ménages à suivre les évolutions du marché. Mais dans l'immobilier, où chacun à intérêt à défendre son grain, on persiste à écarter un changement de cap violent. Et pour cause. L'envolée de la pierre a fait grimper les commissions et les chiffres d'affaires des agents immobiliers, des notaires, des promoteurs... Eux privilégient un scénario idéal pour leurs affaires : celui d'un «atterrissage en douceur» du marché. En substance, les prix cesseraient d'augmenter de façon exorbitante (comme les + 15,5 % pour la seule année 2004) pour revenir à un rythme proche de l'inflation. Pas de baisse en perspective dans ce schéma un peu trop idéal.
Sans annoncer une explosion de la bulle, Precepta envisage un retournement dès cette année. «Dans notre scénario, on ne parle pas de krach mais d'une correction sévère, commente Alexandre Mirlicourtois, l'un des auteurs de l'étude. Selon nous, la baisse serait de 2 % en 2007, puis s'accentuerait en 2008 (­ 13 %) et en 2009 (­ 8 %) avant de ralentir en 2010 avec ­ 3 %. Dans l'immobilier, un retournement met du temps à s'enclencher, mais une fois que c'est fait il prolonge et accentue la tendance.» Pour accréditer ce scénario baissier, Precepta se fonde sur les contraintes de solvabilité qui pèsent sur les ménages . «Les prix dans l'immobilier progressent aujourd'hui quatre fois plus vite que le pouvoir d'achat. Jamais la déconnexion entre les deux n'a été aussi forte», décrit l'étude. Jusqu'ici, le choc de cette hausse pour les budgets des acheteurs a été «en partie absorbé par une amélioration des conditions de crédits». La baisse des taux d'intérêts et l'allongement de la durée des prêts «ont augmenté la capacité d'emprunt des ménages», constate l'étude. Les banques ont ouvert les vannes des financements et ont permis au marché de suivre la spirale inflationniste. Les crédits consentis à l'habitat sont passés de 66,1 milliards d'euros en 2001 à 134,5 milliards en 2005, selon une étude de la Banque de France (1). Mais aujourd'hui les taux d'intérêt ne baissent plus (ils ont même tendance à remonter très marginalement) et l'allongement de la durée des prêts trouve ses limites. L'achat d'un logement devient de plus en plus hypothétique pour les primo-accédants. Il faut désormais en moyenne 4,5 années de revenus pour acheter un logement, contre 2,6 années en moyenne pour la période 1966-2006. Des chiffres qui témoignent de la dégradation du «pouvoir d'achat logement» des ménages. «Même les gens qui possèdent déjà un logement et le revendent pour acheter plus grand peinent à réaliser leur opération car le delta à payer ne cesse d'augmenter», analyse Alexandre Mirlicourtois. Des courtiers comme Empruntis font état d'une plus grande prudence des banques dans l'octroi des crédits. Elles serrent la vis sur les dossiers les plus fragiles, notamment pour les emprunteurs ne disposant pas d'apport.
Tempo américain. Outre ces éléments macroéconomiques, Precepta constate que «les marchés immobiliers des différents pays sont fortement corrélés», rappelant une étude de l'OCDE qui relève «la tendance à la mondialisation des cycles» dans l'immobilier résidentiel et souligne la «démesure» des hausses des prix. «Ici, comme souvent, ce sont les Etats-Unis qui donnent le tempo et qui annoncent les changements de cap. Or les informations en provenance du marché américain ne sont pas bonnes.» Aux Etats-Unis, le prix médian des maisons individuelles a baissé de 3,5 % «et les transactions se sont affaissées de 11,5 %», note l'étude. Un mouvement baissier pourrait se propager en Europe, notamment en Grande-Bretagne ou en Espagne où les prix se sont envolés. Hier, l'annonce par la Banque d'Angleterre d'une augmentation de 0,25 % de son taux d'intérêt directeur a suscité un vif émoi en raison de l'impact que pourrait avoir cette hausse sur le marché immobilier et pour les ménages endettés à taux révisables.

(1) Bulletin de la Banque de France, numéro 150, juin 2006

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